Résistance aux produits phytosanitaires : les mécanismes en jeu

La résistance aux matières actives phytosanitaires fait appel à des mécanismes biochimiques, physiologiques ou comportementaux pouvant être très complexes. Attention, tout échec au champ n’est pas synonyme de résistance ; un diagnostic doit être établi au laboratoire.

On distingue trois catégories de mécanismes de résistance aux matières actives ou aux familles chimiques phytosanitaires :

  • Les mécanismes biochimiques : : ils mettent en jeu les cibles biochimiques des matières actives ou les matières actives elles-mêmes.
  • Les mécanismes physiologiques : ils réduisent la pénétration du produit dans l’organisme cible.
  • Les mécanismes comportementaux : ils réduisent l’exposition des individus au produit.

Les mécanismes biochimiques de résistance chez un microorganisme fongique


1. Résistance par modification de la cible

La cible d’un produit phytosanitaire (site d’action) est généralement une protéine - dite «protéine-cible» - nécessaire au développement du bioagresseur. C’est le cas par exemple des fongicides de la famille des IDM (inhibiteurs de la déméthylation) qui agissent en inhibant l’une des enzymes impliquée dans la synthèse de l’ergostérol, composé spécifique de la membrane cellulaire des champignons, indispensable à son intégrité. Il peut arriver qu’une mutation modifie la structure de cette protéine cible, empêchant la matière active de se fixer normalement et de jouer son rôle d’inhibiteur. Les individus d’une population qui possèdent ce caractère sont alors résistants à la matière active. Chez les agents pathogènes de plantes, l’évolution de la sensibilité aux fongicides apparaît principalement reposer sur ce mécanisme lorsque des baisses d’efficacité en pratique (= au champ) sont observables.


2. Résistance par surexpression de la cible

Autre cas de figure : l’enzyme ciblée par la matière active est non pas modifiée mais démultipliée dans les cellules : on parle alors de «surexpression de la cible». Face à un tel phénomène, la quantité normale de matière active ne suffit pas à inhiber l’activité de l’enzyme et à provoquer la mort du bioagresseur. La résistance par surexpression de la cible a notamment été mise en évidence aux Etats-Unis chez l’amaranteet le ray-grass résistants au glyphosate pour la partie «adventice», et chez Zymospetoria tritici et les IDM pour la partie «microorganisme pathogène».


3. Résistance par détoxication

Comme tous les organismes vivants, les bioagresseurs sont dotés de fonctions épuratives (dégradation, séquestration, excrétion) qui leur permettent de se débarrasser de leurs propres métabolites mais aussi de molécules étrangères, comme celles utilisées dans les produits phytosanitaires. La mise en œuvre de ces fonctions peut empêcher une partie de la matière active d’atteindre sa cible. On parle dans ce cas de résistance par détoxication. Ce phénomène est fréquent chez les insectes et les adventices. Chez les champignons pathogènes, ce mécanisme est identifié chez Botrytis cinerea vis-à-vis des hydroxyanilides et est soupçonné d’être à l’origine des quelques rares cas de résistance à des matières actives fongicides multisites.


4. Résistance par excrétion

Ce mécanisme de résistance implique un efflux augmenté de matières actives via la surexpression de protéines de transport. Ce mécanisme est non spécifique d’une famille chimique et est rencontré chez les souches de microorganismes pathogènes de type MultiDrug-Resistants, ou «MDR». Bien qu’identifiée assez fréquemment au laboratoire, l’excrétion de matière active ne semble pas être liée à une baisse d’efficacité de produits en pratique, tout du moins chez les microorganismes pathogènes de plantes.

Les mécanismes physiologiques

La perte d’efficacité d’une matière active peut aussi être liée à la réduction de sa pénétration dans l’organisme. On l’a constaté pour des insecticides, dont l’efficacité peut être réduite par des changements d’épaisseur ou de composition de la cuticule de l’insecte.

Les mécanismes comportementaux

Bien que peu documenté, le mécanisme comportemental de résistance aux insecticides pourrait expliquer la perte d’efficacité de certaines classes de produits, comme les organochlorés, les organophosphorés, les carbamates et les pyréthrinoïdes sur certaines populations d’insectes. Celles-ci seraient capables de détecter le danger et d’éviter le contact avec la matière active.

Résistance multiple

Il arrive que plusieurs mécanismes de résistance coexistent chez un même individu : on parle alors de résistance multiple. On l’observe par exemple au sein de populations de vulpins résistants à différents inhibiteurs de l’ACCase par modification de la cible et détoxication. L’accumulation de plusieurs mécanismes de résistance peut être également observée chez des microorganismes pathogènes vis-à-vis :

  • d’un même mode d’action. Plusieurs mécanismes de résistance aux IDM sont par exemple observés chez Zymoseptoria tritici : diverses combinaisons de nombreuses mutations au niveau de la cible, surexpression du nombre de cible et surexpression de transporteurs membranaires.
  • de modes d’action différents. Par exemple, les populations de Zymospetoria tritici peuvent être résistantes au mode d’action QoI/strobilurines (mutation G143A au niveau de la cible des QoI/strobilurines) et au mode d’action IDM.

Résistance croisée

Il arrive aussi qu’un seul mécanisme de résistance concerne plusieurs matières actives appartenant ou non à la même famille chimique : on parle dans ce cas de résistance croisée.

La résistance aux fongicides ne signifie pas obligatoirement échec au champ

La mise en évidence d’une perte de sensibilité d’une population à un mode d’action se fait en laboratoire dans des conditions très différentes de celles rencontrées dans la réalité. Elle ne se traduit donc pas obligatoirement par une résistance pratique. Notamment parce que les matières actives sont :

  • formulées au sein d’un produit et parfois associées entre elles ;
  • utilisées dans le cadre de programmes raisonnés ;
  • appliquées en fonction de la pression parasitaire, de la météo, etc.

En savoir plus sur les résistances aux produits phytosanitaires

La résistance des bioagresseurs (maladies, adventices, ravageurs) à certains produits phytosanitaires est un sujet de préoccupation majeur pour tous les professionnels de l’agriculture. Pour prévenir et gérer le développement des résistances, il est essentiel de bien en connaître les mécanismes.

Savoir comment les matières actives des produits phytosanitaires agissent sur le métabolisme et les fonctions vitales des bioagresseurs constitue un atout quand on veut adopter une stratégie volontariste de gestion des modes d’action. Aperçu des principaux modes d’action fongicides, insecticides et herbicides.

L’implication de BASF sur la question de la résistance des bioagresseurs aux produits phytosanitaires se traduit par une identification des risques dès le lancement de nouveaux produits et par une surveillance de leur efficacité en laboratoire comme au champ. Elle passe aussi par la diffusion de recommandations régulières permettant aux agriculteurs de définir leurs stratégies de gestion des modes d’action.

L’évolution de la sensibilité aux fongicides de certains champignons pathogènes suscite de légitimes inquiétudes. Elle n’est pourtant pas une fatalité. Il est possible de préserver l’efficacité des modes d’action fongicides en respectant quelques principes simples… c’est ce que l’on appelle « gérer les modes d’action ».

Pour limiter le développement des résistances aux herbicides, il est plus que jamais nécessaire de raisonner son désherbage dans le cadre de la rotation, en intégrant les bonnes pratiques agronomiques et en gérant correctement les modes d’action herbicides.

La moindre sensibilité aux matières actives insecticides développée par certains ravageurs n’est pas une fatalité. Il est possible de lutter contre ce phénomène en articulant mesures prophylactiques et gestion raisonnée des modes d’actions insecticides.

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