En quoi la confusion sexuelle est-elle une voie d'avenir?
La protection intégrée, dont la confusion sexuelle fait partie, n’est pas destinée à remplacer totalement la lutte par traitement insecticide mais elle permettra d’en diminuer l’utilisation. Proposant une palette de solutions « complémentaires », la protection intégrée devrait tout de même peu à peu remplacer la plupart des insecticides.
L’efficacité de la confusion sexuelle, partielle, « ne doit pas être considérée comme celle des produits phytosanitaires classiques »
Le nombre des traitements phytosanitaires contre les ravageurs de la vigne ne cesse de diminuer depuis ces vingt dernières années. Cette diminution s’est accompagnée par un développement de la lutte raisonnée, mais aussi par « l’adoption des rares méthodes de lutte alternatives disponibles », expliquait Denis Thiery lors du Sitevi 2009. Parmi celles-ci, la confusion sexuelle, ou « confusion comportementale ».
Le développement de ces méthodes de lutte dites « alternatives », ou plutôt « complémentaires » aux produits phytosanitaires, va se poursuivre : « La combinaison de différentes méthodes complémentaires au cours du cycle du bioagresseur sera certainement une voie d’avenir, comme par exemple la confusion comportementale combinée avec des lâchers d’auxiliaires», présage Denis Thiery. Propos confirmés par les chiffres de l’Ibma (Association internationale des fabricants de produits biologiques), qui estime que d’ici 2020, « 70% des insecticides seront remplacés par les substances naturelles, phéromones, champignons, ou nématodes entomopathogènes ». Ne représentant en 2008 que 3,5% en valeur du marché de la protection des plantes, tous ces produits – agents biologiques et bio-pesticides – devraient, avec une croissance moyenne estimée par le syndicat à +15% par an, atteindre 25% du marché d’ici 2020, dans dix ans donc !
Si les industriels et les scientifiques envisagent un tel développement de la confusion sexuelle, c’est que cette méthode de lutte répond au triple enjeu technique mais aussi réglementaire et sociétal : technique d’abord, car la confusion sexuelle est, selon Denis Thiéry, « l’exemple le plus abouti et fonctionnel des méthodes de lutte alternatives disponibles puisque la technique est homologuée en France depuis 1995 ». Solution ‘alternative’ ou ‘complémentaire’ et non de ‘remplacement’, car cette méthode ne doit pas être considérée comme un produit phytosanitaire : « Ces méthodes doivent être considérées comme des méthodes à effet partiel, et dont l’efficacité peut avantageusement être augmentée par des techniques combinées », précise Denis Thiery.
Les diffuseurs à phéromones font partie des moyens de lutte actuels préconisés dans le cadre de la protection intégrée
L’efficacité de cette méthode dépend de la densité en insectes sur le vignoble, des populations importantes favorisant la rencontre des sexes au hasard ou sans l’aide de l’information phéromonale.
Globalement, l’efficacité obtenue avec la confusion est comparable à celle d’une protection insecticide « à la condition de recourir à une intervention complémentaire lorsqu’on est en présence d’une forte pression ».
Et ce passage du ‘tout insecticide’ à la ‘combinaison de plusieurs solutions’ pour lutter contre les bioagresseurs nécessite un grand changement d’état d’esprit de la part des viticulteurs, qui ont été habitués pendant longtemps à l’emploi de produits uniques à très forte efficacité : « La viticulture doit aussi se préparer à accepter l’usage de méthodes à effets parfois partiels pour contrôler les bioagresseurs », précise le chercheur. Outre ce changement d’état d’esprit, le développement des ces méthodes devra aussi impérativement s’accompagner d’une modification dans les pratiques des viticulteurs : « On devra avoir plus de présence physique sur les parcelles et beaucoup moins de temps sur le pulvérisateur, explique Pierre-Antoine Lardier, responsable du pôle cultures spéciales chez Basf. Le viticulteur doit revenir davantage sur ses parcelles et consacrer le temps d’observation important et nécessaire ! ».
La confusion sexuelle répond aussi à l’enjeu sociétal, dans la mesure où les consommateurs rejettent de plus en plus les « pesticides », que ce soit dans leur assiette ou dans l’environnement. L’absence totale de protection n’étant pas envisageable, la protection intégrée des cultures serait donc « la voie pour répondre à ce triple enjeu que sont la santé publique, l’environnement et le maintien du revenu agricole », mettait en avant Bernard Blum, responsable des affaires internationales d’Ibma lors du dernier colloque sur la protection intégrée.
D’un point de vue réglementaire, la protection intégrée sera également mise au premier plan dans les prochaines années afin de répondre à l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement et le plan Ecophyto 2018 de réduire de « de 50%, si possible, d’ici 2025, l’utilisation des produits phytosanitaires ».
L’étude Ecophyto R&D de l’Inra confirme cette tendance : pour atteindre 33% de diminution de produits phytosanitaires en France, les chercheurs ont estimé qu’il fallait généraliser la protection intégrée... De son côté, l’Ibma a précisé que la protection intégrée est obligatoire depuis 2014 au niveau européen (‘directive cadre pour l’utilisation durable des pesticides 2009/128/CE’, qui inclut la mise en œuvre de la PI), et que les Etats membres avaient jusqu’en 2012 pour « présenter des plans nationaux à la Commission ». « On ne se contente pas cette fois-ci de ‘bonnes pratiques agricoles’ et de l’emploi ‘judicieux’ des pesticides, se réjouissait Bernard Blum. Cette fois-ci, nous sommes aux prémices d’une véritable révolution, ce que beaucoup de personnes n’ont encore pas réalisé ! »