Fongicides SDHI : quels impacts sur les abeilles ?

Comme pour l’ensemble des produits phytopharmaceutiques, avant de bénéficier d’une Autorisation de Mise sur la Marché, les fongicides de la famille des SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase), font l’objet d’études extrêmement approfondies, notamment sur les abeilles.

Il existe un grand nombre d’espèces d’abeilles parmi lesquelles Apis mellifera, l’abeille domestique, est l’une des plus emblématiques. Etant donné que cette espèce figure parmi les plus faciles à élever et à manipuler, une grande partie de la recherche réglementaire actuelle s'est concentrée sur l'amélioration de la compréhension des interactions entre produit phytopharmaceutique et abeille mellifère, afin de définir des mesures (ou conditions d’emploi spécifiques) et rendre compatible pollinisation des cultures et protection phytosanitaire raisonnée.

Ces études, ainsi que les plus récentes publications des autorités sanitaires[1], ont démontré, au regard des connaissances actuelles, la complète innocuité des fongicides SDHI vis-à-vis des abeilles dans les conditions d’usages recommandées dans le cadre de leur autorisation.

Fongicides SDHI : pas d'effets écotoxiques sur les organismes non-cibles[2]

La question d’éventuels effets écotoxiques des fongicides SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase) sur les abeilles a été traitée spécifiquement par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) dans son avis du 15 janvier 2019[3] portant sur les fongicides SDHI :

  • […] Aussi aucun effet écotoxique sur des organismes non-cibles n’est attendu en l’état des connaissances disponibles lors de l’approbation de ces substances actives et sous réserve de respect des conditions d’emploi. Les différents essais de toxicité aiguë et chronique prévus par le règlement UE 283/2013 et réalisés pour les substances actives de la famille des SDHI sont rapportés en annexe 2. Ces tests couvrent les oiseaux/mammifères, les organismes aquatiques, les organismes du sol, les abeilles et autres arthropodes non-cibles. Ces tests couvrent les expositions aiguës, chroniques et pendant le développement. Dans les conditions dans lesquelles ils ont été réalisés, soit pour des usages considérés comme représentatifs de la substance active, ces tests ont permis de conclure à la sécurité d’emploi des SDHI.
  • […] Aucune des données de phytopharmacovigilance rapportées ci-avant ne suggère l’implication de substances actives de la famille des SDHI dans des effets de mortalité massive de la faune sauvage, d’abeilles ou d’animaux domestiques.

Si les exigences réglementaires d’usage relatives à la protection des abeilles ont récemment été amplifiées[4] à l’égard des produits phytopharmaceutiques autres que les insecticides et acaricides, les fongicides SDHI, font l’objet de tests dont les méthodes standardisées au niveau européen visent à évaluer leur toxicité intrinsèque. Ils sont également soumis à une évaluation des risques tenant compte des conditions d’exposition. La délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires est basée sur l’absence d’effets néfastes sur les colonies d’abeilles (larves, comportement ou encore développement) pour chaque couple culture et dose d’application revendiquée, ce que souligne l’ANSES dans son avis du 15 janvier 2019[5] :

  • « L’évaluation des risques réalisés pour les organismes de l’environnement dans le cadre réglementaire en vue de la mise sur le marché des produits permet d’élaborer des valeurs de toxicité spécifique à chaque substance, chaque produit et de garantir la sécurité d’emploi dans les conditions décrites. La prise en compte de l’exposition des organismes de l’environnement conditionne l’évaluation des risques en vue de la délivrance des AMM [Autorisations de Mise sur le Marché]. »

L’exemple du boscalid, une substance de la famille des SDHI à faible risque pour les abeilles

La toxicité aiguë pour les abeilles d’un fongicide SDHI comme le boscalid est nettement moins importante que celle des deux principaux médicaments vétérinaires homologués en France : l’amitraze et le tau-fluvalinate. Ces derniers sont utilisés par les apiculteurs directement dans les ruches au contact des abeilles pour lutter contre l’acarien parasite Varroa, ennemi n°1 des colonies.


Bien que la DL 50 ne soit pas suffisante pour conclure sur l'évaluation des risques, c’est une valeur qui permet de comparer la toxicité aiguë (court terme) de différents produits chimiques.
Ainsi, plus la DL 50 est élevée, moins la substance active est « intrinsèquement » dangereuse pour les abeilles à court terme.

Effet du boscalid sur l'abeille domestique :

  • DL 50 abeille par contact (pire cas parmi les valeurs à 24 h, 48 h et 72 h) > 200 μg/abeille
  • DL 50 abeille par voie orale (pire cas parmi les valeurs à 24 h, 48 h et 72 h) > 166 μg/abeille


Effet de l’amitraze sur l'abeille domestique :

  • DL 50 abeille par contact (pire cas parmi les valeurs à 24 h, 48 h et 72 h) = 50 μg/abeille

Ainsi, le boscalid a une toxicité aiguë par contact au moins 4 fois moins importante que l’amitraze, substance vétérinaire la plus utilisée par les apiculteurs contre le parasite Varroa.


Effet du tau-fluvalinate sur les abeilles :

  • DL 50 abeille par contact (pire cas parmi les valeurs à 24 h, 48 h et 72 h) > 12 μg/abeille
  • DL 50 abeille par voie orale (pire cas parmi les valeurs à 24 h, 48 h et 72 h) > 12,6 μg/abeille

Ainsi, le boscalid a une toxicité aiguë au moins 15 fois moins importante que le tau-fluvalinate, substance vétérinaire également utilisée par les apiculteurs contre le Varroa.

* DL 50 = quantité́ d’une substance administrée en une seule fois, qui cause la mort de 50% d’un groupe d’animaux d’essai. La DL50 mesure donc la toxicité à court terme (ou aigüe) d’une substance

Source : https://sitem.herts.ac.uk/aeru/ppdb/en/Reports/86.htm

L’ensemble des autres SDHI actuellement sur le marché présentent une toxicité faible pour les abeilles[6].

Des produits évalués dans des conditions réelles d’exposition des abeilles

Outre les tests élaborés dans le cadre du dossier d’homologation, BASF, dans le cadre de la gestion responsable de ses produits, a effectué une analyse plus poussée de l’impact de certaines substances sur les abeilles.


Gestion responsable du Boscalid

C’est le cas du boscalid, utilisé pendant la période de floraison sur culture de colza butinée et pollinisée par les abeilles. Différentes études, évaluations et essais ont été menés sur le sujet dans des conditions permettant de combiner une exposition des abeilles en conditions réelles (sous tunnels, en plein champs, etc.) et la recherche d’éventuels effets toxiques directs ou indirects :

  • Des essais sous tunnels ont notamment été conduits en collaboration avec 3 organismes spécialisés dans l’étude de l’impact des produits phytopharmaceutiques sur les abeilles (ACTA, Testapi et SOLEVI). Les abeilles ont été exposées lors de l’activité de butinage à des fleurs de colza protégées avec des mélanges boscalid + insecticide de la famille des pyréthrinoïdes (2006) et boscalid + fongicide dimoxystrobine (2007, 2008). La mortalité, l’activité de butinage, le comportement des abeilles ont été étudiés ainsi que l’état des réserves de nourriture et du couvain. Ces travaux ont montré l’absence d’effet sur les abeilles (mortalité, butinage, vigueur de la colonie et couvain).
  • Des suivis pluri-annuels approfondis de deux ruchers et des pratiques agricoles environnantes ont été réalisés entre 2014 et 2019 dans les départements de l’Aube et de la Mayenne. Les objectifs de ces observatoires étaient multiples :
    • Démontrer que peuvent coexister apiculture et agriculture raisonnée sur un territoire lorsqu’un dialogue est instauré ;
    • Observer les pratiques apicoles et les performances d’un rucher (et donc la santé des colonies le composant) dans un environnement agricole ;
    • Observer les pratiques agricoles dans une aire de butinage d’un rucher (rayon d’1,5 km) ;
    • Travailler sur des pratiques respectueuses ou favorisant les pollinisatrices et la biodiversité ;
    • Suivre le développement et la dynamique des colonies en conditions réelles dans un environnement agricole.


Evaluation du Boscalid sur les abeilles : quels résultats ?

De nombreux paramètres ont été mesurés dans le cadre de ces travaux : force des colonies (couvain, abeilles, ponte, réserves), cartographie du territoire, inventaire des pratiques agricoles et apicoles, suivi du poids journalier des colonies, suivi des pathologies (nosémose et Varroa), analyse multi-résidus (produits phytosanitaires et substances vétérinaires) à partir de matrices prélevées dans la ruche, analyse et caractérisation du pollen et du miel.

Des résidus de boscalid ont été, entre autres, quantifiés dans certaines des colonies du rucher situé en Mayenne. Les niveaux de résidus quantifiés (limite de quantification de 0,01 mg/kg) pour cette substance – et donc exposant les abeilles – sont très faibles (max. 0,2 mg/kg de matrice apicole en 2018) et bien inférieurs aux résidus d’acaricides vétérinaires relevés.

Le suivi de la production de miel et de la santé des colonies au cours des 5 années d'observation dans ces environnements agricoles n’a pas laissé apparaître d’effets préjudiciables et a permis de favoriser le dialogue entre syndicats apicoles, agriculteurs et BASF.

Des études in vitro qui ne peuvent être directement extrapolées à la situation in vivo sur organismes entiers

Les études in vivo sur des organismes vivants entiers investiguent, dans le cadre de conditions réelles d’exposition des animaux « testés ». Les tests réalisés par BASF dans le cadre des dossiers d’homologation suivent des méthodes standardisées reconnues au niveau mondial (OCDE). Elles sont suivies par des communautés de chercheurs pour fournir des résultats fiables et reproductibles dans les pires conditions d'exposition. Elles sont considérées comme plus pertinentes que les expériences conduites sur des cultures cellulaires qui ne donnent des informations que sur de simples interactions.

Les agriculteurs ont-ils constaté des problèmes avec les fongicides SDHI ?

«En appliquant les bonnes pratiques, on n’a aucun problème avec les produits phytosanitaires qu’on a aujourd’hui dans notre boite à outils, notamment les SDHI […] on n’a trouvé aucun problème que ce soit au niveau des abeilles mais aussi au niveau de tout autre impact qu’il pourrait y avoir au niveau de l’environnement » témoigne Rémi Dumery, cultivateur beauceron.

[1] Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à « l’évaluation du signal concernant la toxicité des fongicides inhibiteurs de la succinate deshydrogénase (SDHI)», 15 janvier 2019.

[2] en l’état des connaissances disponibles

[3] [5] Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à « l’évaluation du signal concernant la toxicité des fongicides inhibiteurs de la succinate deshydrogénase (SDHI)», 15 janvier 2019, p 48

[4] Arrêté du 20 novembre 2021 relatif à la protection des abeilles et des autres insectes pollinisateurs et à la préservation des services de pollinisation lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques

[6] Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à « l’évaluation du signal concernant la toxicité des fongicides inhibiteurs de la succinate deshydrogénase (SDHI)», 15 janvier 2019, Annexe 5, p 89

Quelle est leur utilité ? Quel est leur mode d'action ? Quelle est la quantité de fongicides SDHI utilisés en France ?

D’année en année, les progrès de la science permettent de proposer des fongicides plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine. Leur profil toxicologique est de plus en plus favorable et ils sont efficaces pour gérer les maladies fongiques dans les cultures.

Les huit chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’INRA soupçonnent les fongicides SDHI d’avoir des effets néfastes sur la biodiversité et sur la santé humaine. Ces chercheurs se basent sur des effets observés in vitro sur les cellules de mammifères pouvant, selon eux, entrainer des effets potentiels chez l’Homme. Pour l'ANSES, ces soupçons ne sont pas justifiés.

Cette question n’est pas spécifique aux SDHI. Elle est inhérente à la biologie des champignons. C’est une problématique que l’on trouve aussi en santé humaine par exemple pour les antibiotiques.

« N’importe quel être vivant qui est mis au contact de ces molécules est mis en danger (vers de terre, abeilles, mammifères, Hommes…) ». C’est l’argument défendu par un collectif de chercheurs de médecins à propos des fongicides SDHI.Toutefois, utilisée depuis les années 60-70, cette famille de fongicides n’a jamais fait l’objet de la moindre alerte sanitaire.

Depuis le lancement en avril 2018 de la polémique médiatique sur les fongicides SDHI, les chercheurs à l’origine de cette « alerte » ainsi que des ONG environnementalistes interprètent de manière abusive la définition du principe de précaution en réclamant une interdiction totale d’usage de ces substances.

Ayant par le passé travaillé côte à côte sans réellement dialoguer, apiculteurs et agriculteurs ont depuis quelques années pris conscience de leur intérêt commun à travailler ensemble au service de leurs objectifs respectifs : de bons rendements pour lesquels les pollinisateurs ont un rôle majeur ; des productions de miel importantes grâce à des pratiques culturales adaptées (bandes mellifères, diversité florale, adaptation des pratiques phytosanitaires, etc.)

« On ne peut se permettre, comme l’Anses, d’attendre la catastrophe » C’est par cet avertissement que l’un des chercheurs ayant lancé l’« alerte » sur les fongicides SDHI en 2018 appelle de nouveau à leur interdiction en 2019, invoquant le principe de précaution.

Pour étayer leurs propos alarmistes, les quelques chercheurs « lanceurs d’alerte » soutenus par des ONG environnementalistes mettent en avant une « exposition importante de la population » aux fongicides SDHI. Une position qui ne correspond pas à la réalité des observations faites par les autorités sanitaires française et européenne.

Pour aller plus loin

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