Penser avec le black-rot

Autrefois présent sur la seule façade atlantique, le black-rot concerne aujourd'hui la plupart des régions viticoles. Après une année 2023 difficile et une pharmacopée qui se réduit, la maladie devient un élément à intégrer dans la stratégie phytosanitaire, au même titre que le mildiou ou l'oïdium.

Il a suffi d’un printemps plutôt doux et pluvieux, en particulier au moment où la vigne était la plus sensible, et voilà que le black-rot refait parler de lui. Avec ses exigences physiologiques faibles, ce champignon peut en effet produire les premières contaminations sur feuille dès que la température atteint 9°C. Puis la menace va demeurer tout au long de la saison.

Or l’an dernier, le printemps a connu des périodes de grande douceur, conjuguées à des précipitations fréquentes et souvent abondantes. « Contrairement à 2022, plutôt sèche, 2023 a été une année très favorable au black-rot, avec de nombreux foyers repérés dans toute la France ou presque », confirme Pascale Gourmelin, responsable technique cultures spécialisées de la division agro de BASF France.

Historiquement, le black-rot est originaire d’Amérique du Nord. Identifié pour la première fois en France en 1885, Guignardia bidwellii s’est d’abord installé sur la façade Atlantique, où il a trouvé un terrain favorable avec le Merlot et l’Ugni blanc, deux cépages sensibles. L’épidémie s’est propagée dans le Sud-Ouest, la Vallée du Rhône, le Val de Loire, jusqu’en Bourgogne. Il est présent dans tous les vignobles désormais, jusqu’en Lorraine.

Pression réglementaire

Ces dernières années, plusieurs millésimes ont été marqués par la maladie : 2021, 2015, 2013... Les températures qui augmentent et les précipitations localement plus abondantes expliquent en partie la recrudescence de la maladie. Pascale Gourmelin attribue aussi cette évolution à la réduction de la pharmacopée : « le mancozèbe a été retiré, le métirame va voir son profil réglementaire évoluer et il est amené à disparaître fin 2024. Ces deux matières actives multisites contribuaient à contenir le black-rot. Avec leur retrait, il va falloir composer avec ce qui reste », explique-t-elle. À cette pression réglementaire, s’ajoute celle des cahiers des charges qui, parfois, restreignent encore les molécules à disposition des viticulteurs. La maladie, difficile à contrôler une fois installée, en profite pour faire des dégâts.

Une attaque sur feuilles n’a pas d’incidence quantitative sur le rendement, mais les contaminations peuvent servir de réservoir pour un développement de la maladie sur grappes. Si le champignon s’installe sur grappe, la perte de rendement peut être significative, voire totale. Quant à l’impact qualitatif, une forte attaque de black-rot rendrait les vins moins colorés et plus secs en bouche.

La prophylaxie comme base

La vigilance est donc de mise dès la sortie des premières feuilles, surtout dans les parcelles avec un historique black-rot. « Le black-rot peut se développer à tout moment de la saison, mais le pic de sensibilité de la vigne se situe de la fin floraison au stade petit pois, indique la responsable technique. Une attaque dans cet intervalle est la plus dommageable. »

Pour éviter ce scénario, la recommandation n°1 est la prophylaxie, qui vise à éliminer le plus possible les sources d’inoculum pendant l’hiver : éviter de broyer les bois de taille porteurs de maladie et les momies de grappes, ne pas les laisser au sol mais les évacuer de la parcelle.

Au printemps, dès que les conditions redeviennent favorables, le black-rot peut apparaître très vite. « Bien souvent, lorsque l’on voit la maladie, il est trop tard », souligne Pascale Gourmelin. L’objectif va donc être de protéger les feuilles en préventif. Dans cette optique, l’utilisation de modèle de prévision sera d’une aide précieuse, à l’exemple d’Agrigenius® by Horta. Ce service, proposé par BASF, sera accessible aux vignerons dès 2025 (voir encadré).

Si le risque est avéré, la stratégie de protection peut débuter par une application de dithianon, une matière active multisite qui assure une bonne protection des feuilles. Puis, si les conditions restent favorables à la maladie, avec une température de 25 °C et une longue durée d’humectation, il faudra renouveler le traitement avec des produits anti-oïdium ou anti-mildiou ayant une efficacité contre le black-rot, comme les strobilurines ou les IBS, qui stoppent la croissance du champignon.

Soigner sa pulvé

En fonction des conditions climatiques, deux traitements contre le black-rot dans la saison peuvent suffire, à condition d’avoir choisi judicieusement les produits et de vérifier la qualité de la pulvérisation. « Meilleure est la pulvérisation, meilleur est le résultat, car le produit, quel qu’il soit, va mieux atteindre sa cible », résume Pascale Gourmelin. Un objectif à la fois technique et sociétal.

Cet enjeu va se renforcer avec l’adoption de la dose LWA (Leaf Wall Area). À partir des prochaines homologations, BASF va indiquer en plus de la dose à l’hectare, une dose évolutive en fonction de la hauteur de haie foliaire. Ce nouveau système est rassurant pour les vignerons car il permet d’allier efficacité, qui sera aussi bonne avec la dose LWA et durabilité des produits. Mais il ne dispense pas de soigner la qualité de sa pulvérisation.

AGRIGENIUS® : POUR SURVEILLER LE BLACK-ROT ET BIEN PLUS ENCORE

Connaître le risque lié au black-rot, mais aussi au mildiou, à l’oïdium, au botrytis en temps réel, avec des données issues de vos parcelles : c’est ce que propose Agrigenius®, un service commercialisé par BASF et coproduit avec les acteurs locaux de la viticulture.

Agrigenius® est le service de BASF qui intègre les modèles mis au point par Horta, une émanation de l’Université catholique de Piacenza (Italie). Sa particularité ? « Plutôt que d’utiliser des données historiques de développement des maladies, liées à un endroit, le modèle se fonde sur des données mécanistiques, c’est-à-dire observées en conditions contrôlées, donc transposables dans toutes les situations » précise Emiliana Carotenuto, responsable technique filières vigne et olive chez Horta. Après des essais en France, il s’est avéré que les modèles fonctionnent parfaitement sans recalibration. Le modèle est alimenté par les données météo des propres stations de l’utilisateur ou par « station météo virtuelle », à partir d’une station proche.

Rien à télécharger, il suffit de se connecter : le service en ligne est accessible depuis un smartphone ou un ordinateur. Après avoir renseigné dans la plateforme Agrigenius® les principales données concernant son vignoble (lieu géographique, type de sol, cépages…), l’utilisateur pourra accéder aux nombreuses fonctionnalités : météo du jour et prévisions horaires sur 72 heures, stade de croissance des plantes (120 cépages sont renseignés), prévisions du risque pour le mildiou, l’oïdium, le black-rot et le botrytis... à l’envoi d’alertes relatives au stress abiotique ou à l’apparition de maladies. Au-delà de l’aspect opérationnel, Agrigenius® se veut aussi pédagogique : avec des informations sur la biologie des champignons, il peut aider à rafraîchir ou approfondir ses connaissances.

À tout moment, l’utilisateur pourra visualiser le niveau de risque (passé, actuel et prévu) et le niveau de protection de ses parcelles, puisqu’Agrigenius® tient compte des traitements phytosanitaires effectués. Une fonctionnalité qui peut servir d’outil de traçabilité.

Outre les maladies, Agrigenius® modélise le développement de plusieurs ravageurs (eudemis, cicadelle de la flavescence dorée, cochenille farineuse). Il calcule le bilan hydrique et peut alerter sur les risques de gel et de forte chaleur. Dernier volet en date : la fertilisation NPK et la vigueur.

Un vrai conseiller dans votre poche !

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