Plan Ecophyto 2030 : faut-il croire le gouvernement ?

Remettre les agriculteurs au cœur de la décision, plus d’interdiction sans solution, le cadre européen et uniquement le cadre européen… Pour bâtir sa nouvelle stratégie nationale sur les produits phytosanitaires, le gouvernement met en avant un changement de méthode. D’abord positif, le monde agricole est devenu sceptique devant le risque de surenchère de l’administration.


C’est une petite phrase qui n’est pas passée inaperçue. En appelant à une « pause réglementaire européenne » en matière de normes environnementales, Emmanuel Macron a provoqué un beau tollé, tant en France qu’à Bruxelles. Pour se justifier, le chef de l’État a rappelé que, dans ce domaine, l’Union européenne avait adopté les normes les plus ambitieuses au monde et qu'elle avait désormais besoin de stabilité. « On s'est donné des objectifs pour décarboner, réduire les phytos, etc. Maintenant il faut qu'on exécute… », a-t-il résumé.


Les industriels, auxquels le Président s’adressait ce jour-là, ne sont pas les seuls à aspirer à la stabilité du cadre réglementaire. Le monde agricole lui aussi aimerait qu’on en finisse avec la surenchère sur les normes environnementales, qui rendent le métier d’agriculteur toujours plus compliqué sans aucun suivi de l’utilité de ces normes. Les députés semblent l’avoir compris en adoptant une résolution contre les surtranspositions en matière agricole . Comme les sénateurs, qui abordent le sujet dans leur proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France . Au Parlement européen, c’est le PPE, première des formations, qui réclame un moratoire sur certains aspects du Green Deal liés aux pesticides et à la restauration de la nature. Est-on allé trop loin dans le « verdissement » de l’agriculture ? semblent se demander les dirigeants européens, s'alarmant d'un découragement des agriculteurs en Europe et de menaces pour la sécurité alimentaire que la guerre en Ukraine a dramatiquement rappelées.


C’est dans ce contexte que s’inscrit le nouveau plan Ecophyto du gouvernement. Prenant acte de l’échec partiel des précédents plans, il ne fixe pas d’objectif chiffré de réduction d’usages des pesticides mais propose un changement de méthode : « Ce nouveau plan Ecophyto 2030 sera construit avec tous les acteurs impliqués, au premier rang desquels les agriculteurs », a ainsi affirmé Elisabeth Borne lors du Salon de l’Agriculture. La Première ministre a aussi insisté sur le fait que la France s’en tiendrait dorénavant au cadre européen et qu’il n’y aurait plus d’interdictions de produits phytosanitaires sans alternatives « crédibles et efficaces ». « Nous ne créerons aucune distorsion de réglementation pour nos producteurs », a-t-elle assuré, tout en ajoutant prudemment « sauf en cas de force majeure, quand la santé publique est menacée ».


Peut-on se fier à la parole du gouvernement ? Le monde agricole commence à en douter. D’abord, le climat politique ne lui est pas favorable. Après la séquence de la réforme des retraites, le gouvernement a besoin de reconstituer sa popularité. Il est probable que la réduction des pesticides fera partie des éléments de langage de cette reconquête de l’opinion. On peut craindre aussi que, dans la perspective d'un remaniement, certains ministres se livrent une surenchère à ce sujet en espérant s’assurer une place dans le prochain gouvernement.


Deuxième raison d’être sceptique, les antipesticides font partout monter la pression. Ici, ce sont des maires qui publient une tribune pour soutenir la campagne de l’association Secrets toxiques ; là, c’est l’annulation de l'AMM de deux produits à base de glyphosate par les avocats de Générations futures ; ou la parution de l’Atlas des pesticides sous l’égide de la fondation Henrich-Böll ; sans oublier la publication d’une étude du CRNS sur la disparition des oiseaux en Europe , imputée en partie à l’intensification de l’agriculture, entrainant, dans les médias militants, une nouvelle charge contre les pesticides. Dans ces conditions, défendre un usage raisonné des produits phytosanitaires va devenir de plus en plus difficile.


Enfin, le gouvernement veut aller vite. La Première ministre a demandé aux ministres de l’Agriculture, de la Transition écologique et de la Recherche de lui présenter une nouvelle stratégie nationale sur les produits phytosanitaires d’ici à l’été. Autant dire que le temps de la concertation va être réduit au strict minimum. Les agriculteurs ont senti le piège : le gouvernement veut-il les rendre responsables de la lenteur de l’adoption des solutions alternatives forcément plus complexes à utiliser ? et coresponsables des futures décisions d'interdiction ? On peut le craindre…

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