"L'état du parc progresse mais lentement"
Pulvériser la juste dose au bon endroit
05.07.2023

Hygrométrie, taille des gouttes, vitesse de l'air, réglages... La pulvérisation est une chaîne dans laquelle chaque maillon doit être fort, avec un but ultime : atteindre la cible et rien qu'elle. Un prérequis pour produire des vins de qualité en respectant l'environnement.
Déposer la juste quantité de produit sur la cible, en limitant les pertes au maximum : ce sont les deux éléments fondamentaux d’une bonne qualité de pulvérisation. Facile à dire. La tâche ne va pas être de la même ampleur selon que vos rangs de vigne sont bas et étroits, hauts et larges ou encore, si vous conduisez votre vigne en taille rase de précision, avec un port retombant. Sans compter que la cible est évolutive en fonction de la maladie ou du ravageur visé par le traitement : le feuillage, le raisin ou les deux. Car bien sûr, l’objectif de tout traitement est de protéger le rendement et la qualité des raisins contre leurs agresseurs, tout en respectant l’environnement.
Indispensable pour le développement du biocontrôle
Pour une bonne qualité de pulvérisation, votre matériel va donc devoir s’adapter aux dimensions de la cible et à son évolution au fil de la saison : du cep à peine garni de 3-4 feuilles à l’arbuste en pleine végétation. « Vis-à-vis de l’environnement, on ne peut pas régler une machine du début à la fin de la campagne de la même manière. Le réglage doit être évolutif en fonction de la hauteur de la haie foliaire », insiste Jean-Christophe Tsakonas, expert pulvérisation chez BASF.
Pour réussir le traitement, il va falloir toucher toutes les faces de la végétation. Donc ne pas vouloir traiter trop de rangs à la fois par rapport aux possibilités du matériel. Cette qualité de pulvérisation va être d’autant plus nécessaire que se développent les produits de biocontrôle. « Pour un produit avec une mobilité dans la plante, une correction peut être possible. Pour un produit de contact ou un biocontrôle, comme Roméo®, qui est un stimulant des défenses naturelles, tous les organes de la vigne doivent être atteints », explique le spécialiste.
Arriver à la vigne… sans la dépasser
En pratique, le pulvérisateur devra produire une qualité de goutte qui puisse arriver jusqu’à la vigne, sans la dépasser, tomber par terre ou rebondir sur le végétal. L’idée est de produire un brouillard chargé de produit qui va venir remplacer le volume d’air à l’intérieur du végétal, en évitant l’effet tuilage que les épaisseurs de feuilles peuvent créer devant la grappe.
Comment atteindre cet objectif ? Les pulvérisateurs face par face sont la meilleure option. En devenant plus puissants, ils peuvent traiter davantage de rangs en un passage. Attention tout de même à ne pas souffler trop fort pour ne pas générer de dérive. L’intérêt des panneaux récupérateurs apparaît alors clairement. L’utilisation de buses anti-dérive est une autre solution. Mais dans ce cas, il faut trouver le juste milieu entre efficacité et lutte contre la dérive car les gouttes les plus grosses peuvent avoir du mal à pénétrer la végétation.
La marge de manœuvre diminue
« Un point qui est négligé aujourd’hui concerne la quantité d’eau utilisée pour la bouillie », regrette Jean-Christophe Tsakonas qui souligne la nécessité d’une adéquation entre la vitesse de l’air, le volume de végétation et l’évolution de la pharmacopée. Si la tendance a été de diminuer les volumes d’eau, alors que les vitesses d’air plafonnaient à 200 km/h, il devient mathématiquement nécessaire de les augmenter alors que les vitesses atteignent actuellement 400 km/h. Cela permettrait également de rester cohérent avec les quantités d’eau avec lesquelles les produits sont homologués.
« La pulvérisation peut être vue comme une chaîne où chaque maillon doit être solide : le produit, la vitesse du pulvérisateur, l’hygrométrie, la taille des gouttes, le volume d’eau utilisé, etc. », résume-t-il. Avec la pression sociétale croissante, la chaîne s’est tendue et la marge de manœuvre diminue. Par chance, si le principe de pulvérisation a peu évolué au fil des années, les constructeurs ont largement amélioré la facilité de pilotage des machines et l’ergonomie : manomètres plus précis, présence de bidons de rinçage, dispositif de coupures de tronçons, régulation de la pression à partir de la cabine du tracteur… « J’encourage tous les vignerons à ajuster leurs réglages en fonction du parcellaire, par exemple, en fonction de l’écartement entre les rangs ou de la sensibilité des cépages aux maladies. »
Une dose adaptée à la hauteur de haie foliaire
Jusqu’à diminuer les doses de produit ? « Le produit reçoit une homologation dans des conditions précises, avec une dose que l’on peut considérer comme la dose optimale. Il est possible de la moduler, à condition d’être très pointu au regard de tous les autres critères évoqués précédemment. Et d’être réactif, c’est-à-dire pouvoir intervenir rapidement, au bon moment. » Parce que tout le monde n’est pas à l’aise avec ce principe, BASF et l’ensemble des entreprises de protection des plantes ont travaillé sur la dose LWA (leaf wall area). LWA signifie hauteur de haie foliaire. À partir des prochaines homologations, BASF va indiquer, non seulement une dose à l’hectare, mais aussi une dose évolutive en fonction de la hauteur de haie foliaire. Cette dose sera donc adaptée à la surface réelle de végétation. Une avancée majeure pour mieux répondre aux attentes sociétales.

Renaud Cavalier, conseiller agro-équipement
Chambre d'Agriculture du Gard
Quelle est la situation du parc de pulvérisateurs viticoles dans votre région ?
« Cela fait 25 ans que je travaille sur la pulvérisation. Nous voyons encore beaucoup d’achats d’aéroconvecteurs double ou triple turbines auxquels on demande de traiter trop de rangs ! Autant en désherbage, les buses anti-dérives ont été adoptées tout de suite, autant l’achat de pulvérisateurs face par face est difficile. Malheureusement, à la différence des Charentes où l’achat de panneaux récupérateurs a été aidé, dans notre département, seule une dizaine de domaines a investi dans ces panneaux. L’idéal serait de pouvoir proposer des aides dans toute la France, comme ce qui a pu se faire pour la reprise des voitures anciennes. Surtout que grâce au travail de Performance pulvé, nous avons désormais des listes de matériels évalués selon leurs performances(1). »
Est-ce que vous intervenez auprès des constructeurs pour les aider à améliorer leurs matériels ?
« Oui, nous donnons notre avis et travaillons avec ceux qui le souhaitent. Avec mes collègues conseillers machinisme, nous avons tous le même objectif : améliorer la qualité de pulvérisation, limiter la dérive et offrir aux viticulteurs des matériels qu’ils peuvent se payer. Nous avons beaucoup encouragé, pour les vignes palissées, l’achat de pulvérisateurs à flux tangentiel, agréés ZNT, peu bruyants, peu énergivores. Peu de constructeurs proposaient ce type de matériel. Ils sont au moins cinq à le faire actuellement. »
Avez-vous constaté une évolution dans votre métier ?
« Oui, la vigne artificielle EvaSprayViti(2) a été à l’origine d’énormes changements. Depuis, nos conseils ont évolué. Par exemple, sur la taille des gouttes : nous ne préconisons plus uniquement des gouttes fines. Nous avons aussi pu constater que l’on pouvait aller plus vite en traitant aussi bien, notamment avec les panneaux. Au-delà des aspects techniques, j’adapte aussi mon discours en fonction de la conjoncture économique. »
(1) Tous les résultats sont consultables sur le site performancepulve.fr.
(2) EvaSprayViti est une vigne artificielle modulable mise au point par l’UMT EcoTech-Viti, Irstea et l’IFV, qui permet de tester les performances des différents appareils de traitement en termes de qualité de pulvérisation et de pertes de produits dans l’environnement.