Des résidus de fongicides SDHI dans notre alimentation ?

Pour étayer leurs propos alarmistes, les quelques chercheurs « lanceurs d’alerte » soutenus par des ONG environnementalistes mettent en avant une « exposition importante de la population » aux fongicides SDHI. Une position qui ne correspond pas à la réalité des observations faites par les autorités sanitaires française et européenne.

Des consommateurs faiblement exposés

Dès 2019, les experts indépendants mandatés par l'ANSES1 ont observé que dans la grande majorité des cas, les consommateurs sont très peu exposés aux SDHI - et lorsqu’il y a exposition, les niveaux sont si minimes que ceux-ci n’ont aucun effet sur la santé humaine2 :


Pour le boscalid, par exemple : cette substance est recherchée dans près de 5000 analyses réalisées tous les ans sur des denrées prélevées à la distribution. Les taux de quantifications sont compris entre 4,4 et 8,7% selon les années. De 110 à 150 types de denrées alimentaires sont analysés. Il n’est pas observé de dépassement des Limites Maximales en Résidus réglementaires (LMR).

Cette substance est également analysée sur des denrées directement à la production avec entre 1200 et 2700 analyses réalisées tous les ans, correspondant à 69 à 77 types de denrées alimentaires. S’agissant de denrées directement à la production, les taux de quantification sont plus élevés (entre 9,2% et 12,7%) sans entrainer de dépassement de LMR au cours des dernières années.

Dans l’EAT23, 611 analyses de boscalid ont été réalisées, avec un taux de quantification de 3,1%* sans dépassement de LMR. Dans l’EATi4, 305 analyses ont été réalisées, avec un taux de quantification de 1,6% sans dépassement de LMR.


Dans les conclusions de son avis du 15 janvier 2019, l’Anses relève ainsi que « le niveau des expositions alimentaires totales rapportées aux seuils toxicologiques actuellement établis est faible et les dépassements de LMR pour ces substances actives sont exceptionnels5».


Une position confirmée par Roger Genet, directeur général de l’ANSES, devant les parlementaires membres de l’OPECST le 23 janvier 20206 : « Nous retrouvons, dans la dernière enquête alimentation totale, des échantillons qui contiennent des SDHI. Le plus utilisé est le boscalid. Nous retrouvons des taux de boscalid dans 3 % des échantillons qui ont été analysés, à un niveau 100 fois inférieur à la dose journalière admissible. »

Présence ne veut pas dire risque

Si les autorités sanitaires ont pu relever dans des échantillons de cheveux de femmes enceintes des résidus de fongicides SDHI7, les niveaux de présence sont extrêmement faibles, ce qui exclut tout risque pour la santé humaine. Avec nos capacités de détection actuelle, il est en effet possible de quasiment "tout trouver" sur des cheveux !

Pour le calcul du seuil de toxicité d’une substance phytosanitaire chez l’Homme, prend-on en compte la fréquence et la durée d’exposition ?

Pour le calcul de la Dose Sans Effet (DSE) d’une substance chez l’Homme, les scientifiques déterminent, parmi toutes les études du processus d’homologation, la dose sans effet la plus faible pour toutes les espèces testées. Les études de toxicologie n’étant pas faites sur des humains, il est systématiquement affecté, par principe de précaution, des facteurs de sécurité en considérant que l’Homme est toujours 10 fois plus sensible que l’animal de laboratoire le plus sensible. Par ailleurs, un autre facteur de 10 est ajouté puisque qu’au sein d’une population il y a toujours des personnes plus fragiles. Les experts évaluateurs, par principe de précaution peuvent, s’ils le jugent nécessaire, ajouter encore d’autres facteurs de sécurité supplémentaires de 10 ou 30 (facteur de sécurité final x1000, x3000 parfois).


Avec ce facteur de sécurité, une Dose Journalière Admissible peut être définie, soit par la Commission Européenne après avis de l’EFSA8, soit par des instances internationales telles que la FAO9 et l’OMS10. Cette DJA correspond à la quantité de résidus qui pourrait être ingérée par une personne, tous les jours de sa vie, sans risque pour sa santé.


Les études de toxicité permettent d’évaluer un effet après exposition pendant plusieurs mois (toxicité chronique correspondant à l’exposition à de faibles doses tout au long de la vie). Certaines études pour le suivi reproductif et du développement vont même jusqu’à suivre les effets sur plusieurs générations.


Par ailleurs, dans les modèles d’exposition, les différentes catégories de personnes exposées sont également prises en compte, comme les riverains ou de nombreuses catégories de consommateurs (nouveaux nés, enfants, adultes, « gros » consommateurs, etc.).

Et « l’effet cocktail » ?

La réglementation phytosanitaire prévoit intrinsèquement l’évaluation des interactions liées à des expositions multiples (« effet cocktail »). La somme totale des effets de plusieurs substances ne doit pas dépasser l’effet d’une seule substance composant ce mélange. Ces évaluations sont en particulier mises en œuvre lorsque des substances actives ont des mécanismes d’action et/ou des organes cibles similaires.


Par ailleurs, l’EFSA a publié en avril 2020 les résultats de « deux évaluations pilotes relatives aux risques pour l’homme associés aux résidus de pesticides multiples dans les aliments.»11, « l'une relative aux effets chroniques sur le système thyroïdien et l’autre portant sur les effets aigus sur le système nerveux ». Ces évaluations ont utilisé les données de surveillance collectées par les États membres dans le cadre de leurs programmes officiels de surveillance des pesticides en 2014, 2015 et 2016 et les données de consommation individuelle de dix populations :

  • Enfants en bas âge (Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni).
  • Autres enfants (Bulgarie, France, Pays-Bas).
  • Adultes (Belgique, République tchèque, Allemagne, Italie)12.


Les conclusions sont très rassurantes :

  • Système nerveux : dans l'ensemble, compte tenu des données disponibles et des incertitudes impliquées, il est conclu que l'exposition cumulée aux pesticides ayant des effets aigus sur le système nerveux ne dépasse pas le seuil de prise en compte réglementaire fixé par les gestionnaires des risques.
  • Système thyroïdien : dans l'ensemble, compte tenu des données disponibles et des incertitudes impliquées, il est conclu que l'exposition cumulée aux pesticides ayant des effets chroniques sur la thyroïde ne dépasse pas le seuil de prise en compte réglementaire fixé par les gestionnaires des risques.

Le concept de "la dose fait le poison" ne serait pas valable avec les SDHI ?

Cet argument est largement mobilisé par certains ONG sur le dossier « Perturbateurs endocriniens ». Les effets non monotones (effets supérieurs observés à de faibles doses) de substances phytosanitaires sont très rares. En l'occurrence, l'activité sur la SDH des SDHI dépend non seulement de la dose mais est réversible. Dans toutes les études de toxicité des SDHI, aucune n’a démontré un effet non monotone.

« Est-il impossible de voir d’éventuels effets néfastes des SDHI dès aujourd’hui ? »

Les SDHI sont commercialisés depuis plus de 40 ans et ont par ailleurs le même mécanisme d’action. Cette durée implique que l'on aurait déjà dû voir des alertes émerger depuis des années.

D’année en année, les progrès de la science permettent de proposer des fongicides plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine. Leur profil toxicologique est de plus en plus favorable et ils sont efficaces pour gérer les maladies fongiques dans les cultures.

Des études sont bien entendu menées dans le cadre du dossier d’homologation, avant l'utilisation par les agriculteurs, mais également après l'homologation. La toxicité pour les abeilles d’un fongicide SDHI, comme le boscalid, est nettement moins importante que celle des deux principaux médicaments vétérinaires (amitraze et tau-fluvalinate), utilisés par les apiculteurs directement dans les ruches.

Les huit chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’INRA soupçonnent les fongicides SDHI d’avoir des effets néfastes sur la biodiversité et sur la santé humaine. Ces chercheurs se basent sur des effets observés in vitro sur les cellules de mammifères pouvant, selon eux, entrainer des effets potentiels chez l’Homme. Pour l'ANSES, ces soupçons ne sont pas justifiés.

Cette question n’est pas spécifique aux SDHI. Elle est inhérente à la biologie des champignons. C’est une problématique que l’on trouve aussi en santé humaine par exemple pour les antibiotiques.

« N’importe quel être vivant qui est mis au contact de ces molécules est mis en danger (vers de terre, abeilles, mammifères, Hommes…) ». C’est l’argument défendu par un collectif de chercheurs de médecins à propos des fongicides SDHI.Toutefois, utilisée depuis les années 60-70, cette famille de fongicides n’a jamais fait l’objet de la moindre alerte sanitaire.

Depuis le lancement en avril 2018 de la polémique médiatique sur les fongicides SDHI, les chercheurs à l’origine de cette « alerte » ainsi que des ONG environnementalistes interprètent de manière abusive la définition du principe de précaution en réclamant une interdiction totale d’usage de ces substances.

Ayant par le passé travaillé côte à côte sans réellement dialoguer, apiculteurs et agriculteurs ont depuis quelques années pris conscience de leur intérêt commun à travailler ensemble au service de leurs objectifs respectifs : de bons rendements pour lesquels les pollinisateurs ont un rôle majeur ; des productions de miel importantes grâce à des pratiques culturales adaptées (bandes mellifères, diversité florale, adaptation des pratiques phytosanitaires, etc.)

« On ne peut se permettre, comme l’Anses, d’attendre la catastrophe » C’est par cet avertissement que l’un des chercheurs ayant lancé l’« alerte » sur les fongicides SDHI en 2018 appelle de nouveau à leur interdiction en 2019, invoquant le principe de précaution.

Pour aller plus loin

A quoi servent les pesticides ? Les pesticides sont-ils risqués pour la santé ? Les pesticides menacent-ils l’environnement ? Les réponses aux questions que vous vous posez.

Pourquoi les fongicides sont-ils nécessaires ? Qu’est-ce que les fongicides SDHI ? Huit chercheurs ont alerté les autorités publiques en France : de quoi s’agit-il ? Les réponses aux questions d'actualité.

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