Fongicides SDHI : sont-ils sans risque pour l’environnement ?

« N’importe quel être vivant qui est mis au contact de ces molécules est mis en danger (vers de terre, abeilles, mammifères, Hommes…) ». C’est l’argument défendu par quelques chercheurs depuis 2018 à propos des fongicides SDHI. Toutefois, utilisée depuis les années 60-70, cette famille de fongicides n’a jamais fait l’objet de la moindre alerte sanitaire. La "catastrophe" annoncée aurait déjà dû avoir lieu, notamment sur les êtres vivants les plus exposés à ces substances.

Les fongicides SDHI sont-ils néfastes pour l'environnement et plus spécifiquement pour les champignons, les vers de terre et les abeilles ?


Fongicides SDHI : quel fonctionnement ?


La Succinate Déshydrogénase (SDH) est une enzyme qui joue une fonction clé dans le processus respiratoire des cellules des champignons. Les fongicides de la famille des SDHI (Succinate DesHydrogenase Inhibitors) ont ainsi pour mode d’action commun de bloquer ce processus de respiration et donc d’éliminer les champignons nuisibles sur les cultures concernées.

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Un collectif alerte sur la toxicité des SDHI pour la biodiversité

En avril 2018, un collectif de chercheurs a publié une tribune afin « d’attirer l’attention sur les risques potentiels pour la santé humaine et l’environnement de l’usage d’une classe de pesticides, les SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase), désormais utilisés à grande échelle comme antifongiques en agriculture ». Après avoir observé des effets in vitro, l’équipe de chercheurs considère ainsi que certaines molécules de la famille des fongicides SDHI ne se contentent pas seulement d’inhiber l’activité de la SDH des champignons, mais peuvent également bloquer celle des vers de terre, des abeilles, voire des cellules humaines.


Absence de signal d’alerte selon les autorités sanitaires

En janvier 2019, après une étude approfondie des données scientifiques, les experts indépendants mandatés par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) au sein d’un groupe d’expertise collective d’urgence (GECU) ont rendu un avis clair et « ont conclu à l’absence de signal d’alerte, que ce soit dans l’environnement ou pour la santé humaine1 . » Au vu de ces conclusions, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a considéré « que les informations et hypothèses scientifiques apportées par les lanceurs de l'alerte n’apportent pas d’éléments en faveur de l’existence d’une alerte sanitaire qui conduirait au retrait des autorisations de mise sur le marché actuellement en vigueur conformément aux cadres réglementaires nationaux et européens ». Depuis 2019, l’Anses a réaffirmé à plusieurs reprises cette position.

Source : ANSES


Fongicides SDHI : aucune toxicité pour l’environnement

« L’observation de l’effet de ces fongicides sur la SDH de différents organismes, comme celui du ver de terre ou de l’abeille ne veut pas dire que cet effet va être observé sur l’organisme entier. » explique le Dr. Michel Urtizberea, Toxicologue et Responsable du service Homologation de BASF France division Agro. Dans le cadre du dossier d’homologation , des études d’écotoxicologie sont menées afin d’exposer l’animal entier (abeille, ver de terre, poisson, mammifères…) aux SDHI. Les éventuels effets toxiques vont alors être analysés. « A ce jour, la toxicité sur l’environnement et la flore des SDHI n’a pas été démontrée ».

Alerte sanitaire SDHI : l’ANSES conclue à l’absence de toxicité pour l’environnement

« A l’heure actuelle des connaissances scientifiques, les SDHI ne présentent pas de risques pour les organismes vivants » explique Antony Fastier, expert toxicologue chez BASF. « L’ANSES évalue toutes les populations (l’homme, bien entendu, mais aussi les abeilles ou encore les vers de terre par exemple) et tous types de compartiments environnementaux dans le cadre de la réglementation en vigueur. Et tous les risques doivent être acceptables pour toutes ces populations. Sinon, aucune AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) n’est accordée. »

Les agriculteurs ont-ils constaté un problème avec les fongicides SDHI ?

"En appliquant les bonnes pratiques, on a aucun problème avec les produits phytosanitaires que l'on a aujourd'hui dans notre boîte à outils, et notamment les SDHI" explique Rémi Dumery, cultivateur beauceron. "Le progrès et l'innovation nous permettent toujours d'avoir des produits qui sont à la fois efficaces pour l'agriculture, pour protéger ses cultures, pour avoir une alimentation saine et aussi de plus en plus respectueuse de l'environnement."

Quelle est leur utilité ? Quel est leur mode d'action ? Quelle est la quantité de fongicides SDHI utilisés en France ?

D’année en année, les progrès de la science permettent de proposer des fongicides plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine. Leur profil toxicologique est de plus en plus favorable et ils sont efficaces pour gérer les maladies fongiques dans les cultures.

Des études sont bien entendu menées dans le cadre du dossier d’homologation, avant l'utilisation par les agriculteurs, mais également après l'homologation. La toxicité pour les abeilles d’un fongicide SDHI, comme le boscalid, est nettement moins importante que celle des deux principaux médicaments vétérinaires (amitraze et tau-fluvalinate), utilisés par les apiculteurs directement dans les ruches.

Les huit chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’INRA soupçonnent les fongicides SDHI d’avoir des effets néfastes sur la biodiversité et sur la santé humaine. Ces chercheurs se basent sur des effets observés in vitro sur les cellules de mammifères pouvant, selon eux, entrainer des effets potentiels chez l’Homme. Pour l'ANSES, ces soupçons ne sont pas justifiés.

Cette question n’est pas spécifique aux SDHI. Elle est inhérente à la biologie des champignons. C’est une problématique que l’on trouve aussi en santé humaine par exemple pour les antibiotiques.

Depuis le lancement en avril 2018 de la polémique médiatique sur les fongicides SDHI, les chercheurs à l’origine de cette « alerte » ainsi que des ONG environnementalistes interprètent de manière abusive la définition du principe de précaution en réclamant une interdiction totale d’usage de ces substances.

Ayant par le passé travaillé côte à côte sans réellement dialoguer, apiculteurs et agriculteurs ont depuis quelques années pris conscience de leur intérêt commun à travailler ensemble au service de leurs objectifs respectifs : de bons rendements pour lesquels les pollinisateurs ont un rôle majeur ; des productions de miel importantes grâce à des pratiques culturales adaptées (bandes mellifères, diversité florale, adaptation des pratiques phytosanitaires, etc.)

« On ne peut se permettre, comme l’Anses, d’attendre la catastrophe » C’est par cet avertissement que l’un des chercheurs ayant lancé l’« alerte » sur les fongicides SDHI en 2018 appelle de nouveau à leur interdiction en 2019, invoquant le principe de précaution.

Pour étayer leurs propos alarmistes, les quelques chercheurs « lanceurs d’alerte » soutenus par des ONG environnementalistes mettent en avant une « exposition importante de la population » aux fongicides SDHI. Une position qui ne correspond pas à la réalité des observations faites par les autorités sanitaires française et européenne.

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