Fongicides SDHI : le principe de précaution est-il appliqué ?

Depuis le lancement en avril 2018 de la polémique médiatique sur les fongicides SDHI, les chercheurs à l’origine de cette « alerte » ainsi que des ONG environnementalistes interprètent de manière abusive la définition du principe de précaution en réclamant une interdiction totale d’usage de ces substances.

Or, le principe de précaution tel que défini par la Charte de l’environnement1 n’est pas synonyme d’interdiction. A ce jour, les connaissances scientifiques ne justifient en aucun cas une telle mesure d’urgence, notamment au regard de la réglementation européenne.

Les produits phytopharmaceutiques dont font partie les SDHI font l’objet d’une attention particulièrement soutenue. D’autant que « dès 2018, l’ANSES2 avait informé les autorités européennes, les États membres et ses homologues nord-américains du signal concernant les fongicides SDHI et de son auto-saisine sur le sujet»3 . Des échanges réguliers se tiennent également avec les organismes de recherche et les agences sanitaires chargées de l’évaluation de ces substances, notamment l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Le principe de précaution appliqué tout au long de la procédure d’autorisation

« Par rapport au principe de précaution, il faut rappeler que les SDHI comme toutes les substances phytopharmaceutiques, font l’objet d’une autorisation qui dépend de la soumission d’un dossier toxicologique et écotoxicologique qui est là pour évaluer la toxicité et l’exposition afin de permettre d’évaluer les risques », explique le Dr. Michel Urtizberea, Toxicologue et Responsable du service Homologation de BASF France division Agro.

Une procédure détaillée par l’ANSES dans son 1er avis sur les SDHI du 14 janvier 20194 : « En outre, en sus des tests de génotoxicité et des études de cancérogénèse, l’évaluation des substances actives suppose a minima la réalisation d’études de toxicité subchronique et de toxicité pour la reproduction. Au cours de l’ensemble de ces études, réalisées chez plusieurs espèces, les paramètres (biochimiques, physiologiques, comportementaux, etc.) mesurés sont nombreux et constituent autant d’opportunités de détecter des effets précurseurs (survenant avant la cancérisation) d’une inhibition significative de l’activité SDH des animaux traités, cette enzyme étant présente chez toutes les espèces testées. »

Au-delà même des procédures réglementaires courantes : des travaux de recherche qui se poursuivent

Depuis 2020, les travaux de recherche se poursuivent : mise à jour régulière de l’avis du 14 janvier 2019, lancement d’une nouvelle étude concernant les expositions cumulées aux différents fongicides SDHI via l'alimentation, inclusion par l’Inserm des SDHI dans l'actualisation de l'expertise collective de 2013 sur les effets des pesticides, etc.

Un nécessaire approfondissement de la recherche expliqué par Roger Genet, Directeur Général de l’ANSES lors de son audition par la commission « développement durable » de l’Assemblée Nationale le 12 février 2020 :

« Ce qui fait la différence entre un avis scientifique fondé sur une publication et un avis d’expertise de nos agences sanitaires, c’est le côté pluridisciplinaire, transversal ; c’est une évaluation qui est faite de l’ensemble de la littérature scientifique de façon contradictoire et qui prend en compte de tout ce qui existe au niveau international. »

Des procédures particulièrement strictes pour éviter les conflits d’intérêts

« L’Anses est une des premières agences au monde à avoir mis en place une norme pour éviter les conflits d’intérêts », observe le Dr. Michel Urtizberea, face aux accusations lancées de façon récurrente par certaines ONG.

L’autorité sanitaire précise elle-même sur son site internet : "Pour conduire sa mission d'évaluation des risques sanitaires, l'Anses met en place des comités d'experts spécialisés et des groupes de travail, composés de scientifiques extérieurs à l’agence. Ils sont nommés après analyse de leur dossier, composé d'un CV et d'une déclaration publique d'intérêts (DPI), afin d'évaluer la compétence et le risque de conflit d'intérêts par rapport aux sujets à traiter. Les DPI de ces experts externes, ainsi que celles des membres des instances de gouvernance de l’Agence et des agents concernés sont systématiquement rendues publiques". Source : ANSES. Il en est de même à l'EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) au niveau européen.

Des autorités sanitaires qui prouvent leur indépendance

L’ANSES est une agence indépendante et le prouve au quotidien. Entre les seuls mois de janvier et septembre 2019, l’ANSES a ainsi procédé au retrait de 277 AMM (Autorisations de Mise sur le Marché de produits phytopharmaceutiques). « Il est bien du rôle de l’ANSES, lorsqu’elle dispose de nouveaux éléments de réévaluer potentiellement les risques des produits phytosanitaires en question, de décider soit de mesures de gestion supplémentaires, soit de proposer le retrait des produits en question », explique le Dr. Michel Urtizberea.

1 Article 5 de la Charte de l’environnement : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veilleront, par application du principe de précaution, et dans leurs domaines d'attribution, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. »

2 Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail

3 https://www.Anses.fr/fr/content/fongicides-sdhi

4 Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à « l’évaluation du signal concernant la toxicité des fongicides inhibiteurs de la succinate deshydrogénase (SDHI) - Saisine n° 2018-SA-0113 – 14 janvier 2019, p42

Quelle est leur utilité ? Quel est leur mode d'action ? Quelle est la quantité de fongicides SDHI utilisés en France ?

D’année en année, les progrès de la science permettent de proposer des fongicides plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine. Leur profil toxicologique est de plus en plus favorable et ils sont efficaces pour gérer les maladies fongiques dans les cultures.

Des études sont bien entendu menées dans le cadre du dossier d’homologation, avant l'utilisation par les agriculteurs, mais également après l'homologation. La toxicité pour les abeilles d’un fongicide SDHI, comme le boscalid, est nettement moins importante que celle des deux principaux médicaments vétérinaires (amitraze et tau-fluvalinate), utilisés par les apiculteurs directement dans les ruches.

Les huit chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’INRA soupçonnent les fongicides SDHI d’avoir des effets néfastes sur la biodiversité et sur la santé humaine. Ces chercheurs se basent sur des effets observés in vitro sur les cellules de mammifères pouvant, selon eux, entrainer des effets potentiels chez l’Homme. Pour l'ANSES, ces soupçons ne sont pas justifiés.

Cette question n’est pas spécifique aux SDHI. Elle est inhérente à la biologie des champignons. C’est une problématique que l’on trouve aussi en santé humaine par exemple pour les antibiotiques.

« N’importe quel être vivant qui est mis au contact de ces molécules est mis en danger (vers de terre, abeilles, mammifères, Hommes…) ». C’est l’argument défendu par un collectif de chercheurs de médecins à propos des fongicides SDHI.Toutefois, utilisée depuis les années 60-70, cette famille de fongicides n’a jamais fait l’objet de la moindre alerte sanitaire.

Comme toutes les autres catégories de produits phytosanitaires, les fongicides font partie des produits les plus encadrés pour garantir leur efficacité et leur innocuité.

Que sont les fongicides ? De quelles substances actives parle-t-on ? Pourquoi les utilise-t-on ? Sont-ils utilisés à bon escient ? Comment sont délivrées les autorisations de mise sur le marché ? Les réponses aux questions que vous vous posez.

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