Fongicides SDHI : sont-ils dangereux pour la santé humaine ?

Depuis 2018, quelques chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’INRAe soupçonnent les fongicides SDHI d’avoir des effets néfastes sur la biodiversité et sur la santé humaine. Pour étayer leur thèse, ceux-ci se basent sur des effets observés in vitro sur les cellules de mammifères pouvant, selon eux, entrainer des effets potentiels chez l’Homme.

Pourquoi faut-il différencier les tests in vitro et in vivo ?

  • Les tests in vitro : ce sont des tests où les cellules sont directement exposées au produit testé, ce qui peut révéler une certaine toxicité intrinsèque du produit.
  • Les tests in vivo : les animaux utilisés dans le cadre des tests nécessaires à l’autorisation de mise sur le marché sont exposés à ces mêmes molécules. Ceux-ci mettent naturellement en place des processus de détoxification importants qui leur permettent alors de métaboliser ou d’annuler les effets de certaines substances ingérées, dont les substances SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase).

Les fongicides SDHI présentent-ils des risques pour l'Homme ?

Les effets observés lors d’essais in vitro sont connus depuis de nombreuses années, mais leur transposition directe à l’Homme n’est pas fondée.
En effet, les produits issus de cette famille de fongicides, lorsqu’ils sont absorbés par l’organisme en cas de rares expositions, se dégradent rapidement en métabolites inactifs chez les mammifères.
C’est la raison pour laquelle, dans les études toxicologiques réalisées pour l’autorisation de mise sur le marché des fongicides SDHI, ce type d’effets n’est pas retrouvé.

  • La toxicité liée à l’inhibition de l’enzyme Succinate Déshydrogénase (SDH) observée in vitro par les chercheurs n'est pas transposable telle quelle aux mammifères et à l'Homme.
  • En cas d’exposition, la capacité de détoxification des mammifères permet de comprendre pourquoi un test in vitro n’est pas directement transposable et pourquoi des effets délétères sur les organismes n’ont pas été observés dans toutes les études conduites chez l’animal, qui sont à la base de l’homologation des substances actives par les autorités réglementaires au niveau international.
  • Les experts indépendants missionnés par l’ANSES confirment que dans l’immense majorité des cas, les consommateurs sont très peu exposés aux fongicides SDHI. Dans les cas où l’exposition des consommateurs aux SDHI est notée, les niveaux d’exposition observés n’ont absolument pas d’effet sur la santé humaine.
  • « Le niveau des expositions alimentaires totales rapportées aux seuils toxicologiques actuellement établis est faible et les dépassements de LMR pour ces substances actives sont exceptionnels ». De plus, « le métabolisme de ces substances est important et leur élimination est rapide » 1

Fongicides SDHI : existe-t-il un lien avec certains cancers ?

Le Dr. Michel Urtizberea, Toxicologue et Responsable du service Homologation BASF France division Agro, explique que dans le cadre de l’homologation des produits phytosanitaires, les firmes déposent des études qui intègrent la durée de vie entière des animaux. Sur la base de l’ensemble de ces données, l’ANSES a conclu qu’il n’y avait pas de lien entre cancers et SDHI.

Ainsi, selon l’ANSES, aucune des données actuelles ne suggère une augmentation de l'incidence de cancers associés à une carence en Succinate DésHydrogénase (SDH), ni un impact pour les organismes environnementaux :« Enfin, au regard des sources consultées, il n’a pas été identifié de données suggérant une augmentation de l’incidence des cancers spécifiques associés au déficit en SDH, chez l’Homme non porteur de mutation (chez les professionnels exposés par exemple), malgré une commercialisation parfois ancienne de ces molécules SDHI, ni de données suggérant un impact pour les organismes de l’environnement. »2

Dans leur avis complet, les chercheurs missionnés par l’ANSES précisent :« Pour les substances actives autorisées et pour lesquelles il a été rapporté des cancers lors des études animales, l’évaluation des dossiers en vue de leur homologation a considéré, soit que ces cancers ne relevaient pas d’un mécanisme transposable à l’Homme (cas de certains cancers hépatiques ou thyroïdiens), soit que ces cancers, en l’absence de génotoxicité, résultaient d’un mécanisme non génotoxique et qu’il existait, par suite, une dose en-deçà de laquelle ils ne survenaient pas. Dans ce dernier cas, des effets critiques survenant à des doses inférieures ont été retenus comme point de départ pour le calcul des valeurs toxicologiques de référence pour la toxicité chronique. »3

Par ailleurs, ces conclusions ont été réaffirmées par Roger Genet, directeur général de l’ANSES, lors de l’audition de l’OPECST du 23 janvier 20204.

Suite à la controverse sur les SDHI, un projet de recherche dans le cadre du dispositif de phytopharmacovigilance devrait explorer les données du registre national du paragangliome héréditaire (forme de cancer) lié à une mutation sur l'un des gènes SDH, afin de préciser l'évolution de l'incidence de cette pathologie.

Fongicides SDHI : quel impact sur la santé humaine dans la durée ?

Pour mesurer l’effet d’expositions chroniques, les études de cancérogénèse sont conduites en administrant des doses toxiques tous les jours de la vie de l’animal. Si l’on devait avoir des effets cancérogènes du type de ceux qui ont été observés par ces chercheurs chez des patients déficients en Succinate DésHydrogénase, on devrait aussi les observer dans ce type d’études, ce qui n’a pas été le cas.

Fongicides SDHI : sont ils des perturbateurs endocriniens ?

Suivant le document guide sur les perturbateurs endocriniens publié par l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) et l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques) en juin 2018, « dans les dossiers présentés actuellement, aucun test n’a démontré que les SDHI pouvaient posséder une propriété perturbatrice endocrinienne », explique Antony Fastier, expert toxicologue chez BASF.

Y a-t-il un lien entre les SDHI et la maladie de Parkinson ?

De même, selon Antony Fastier, expert toxicologue chez BASF, « il n’a pas été prouvé que les SDHI […] pouvaient provoquer la maladie de Parkinson » mentionnant d’autres substances telles que la roténone, substance naturelle pour laquelle il a été démontré une association de son utilisation avec des cas de maladie de Parkinson.

1 Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à « l’évaluation du signal concernant la toxicité des fongicides inhibiteurs de la succinate deshydrogénase (SDHI) - Saisine n° 2018-SA-0113 - 15 janvier 2019

2 https://www.anses.fr/fr/content/fongicides-inhibiteurs-de-la-succinate-d%C3%A9shydrog%C3%A9nase-sdhi-l%E2%80%99anses-pr%C3%A9sente-les-r%C3%A9sultats-de

2,3 Avis de l’Anses - Saisine n° 2018-SA-0113 - Page 42

4 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200120/opecst_bul_2020_01_23.html

Découvrez nos infographies « SDHI et cancers : pas d’augmentation de l’incidence »

Quelle est leur utilité ? Quel est leur mode d'action ? Quelle est la quantité de fongicides SDHI utilisés en France ?

D’année en année, les progrès de la science permettent de proposer des fongicides plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine. Leur profil toxicologique est de plus en plus favorable et ils sont efficaces pour gérer les maladies fongiques dans les cultures.

Des études sont bien entendu menées dans le cadre du dossier d’homologation, avant l'utilisation par les agriculteurs, mais également après l'homologation. La toxicité pour les abeilles d’un fongicide SDHI, comme le boscalid, est nettement moins importante que celle des deux principaux médicaments vétérinaires (amitraze et tau-fluvalinate), utilisés par les apiculteurs directement dans les ruches.

Cette question n’est pas spécifique aux SDHI. Elle est inhérente à la biologie des champignons. C’est une problématique que l’on trouve aussi en santé humaine par exemple pour les antibiotiques.

« N’importe quel être vivant qui est mis au contact de ces molécules est mis en danger (vers de terre, abeilles, mammifères, Hommes…) ». C’est l’argument défendu par un collectif de chercheurs de médecins à propos des fongicides SDHI.Toutefois, utilisée depuis les années 60-70, cette famille de fongicides n’a jamais fait l’objet de la moindre alerte sanitaire.

Depuis le lancement en avril 2018 de la polémique médiatique sur les fongicides SDHI, les chercheurs à l’origine de cette « alerte » ainsi que des ONG environnementalistes interprètent de manière abusive la définition du principe de précaution en réclamant une interdiction totale d’usage de ces substances.

Ayant par le passé travaillé côte à côte sans réellement dialoguer, apiculteurs et agriculteurs ont depuis quelques années pris conscience de leur intérêt commun à travailler ensemble au service de leurs objectifs respectifs : de bons rendements pour lesquels les pollinisateurs ont un rôle majeur ; des productions de miel importantes grâce à des pratiques culturales adaptées (bandes mellifères, diversité florale, adaptation des pratiques phytosanitaires, etc.)

« On ne peut se permettre, comme l’Anses, d’attendre la catastrophe » C’est par cet avertissement que l’un des chercheurs ayant lancé l’« alerte » sur les fongicides SDHI en 2018 appelle de nouveau à leur interdiction en 2019, invoquant le principe de précaution.

Pour étayer leurs propos alarmistes, les quelques chercheurs « lanceurs d’alerte » soutenus par des ONG environnementalistes mettent en avant une « exposition importante de la population » aux fongicides SDHI. Une position qui ne correspond pas à la réalité des observations faites par les autorités sanitaires française et européenne.

Pour aller plus loin

A quoi servent les pesticides ? Les pesticides sont-ils risqués pour la santé ? Les pesticides menacent-ils l’environnement ? Les réponses aux questions que vous vous posez.

Pourquoi les fongicides sont-ils nécessaires ? Qu’est-ce que les fongicides SDHI ? Huit chercheurs ont alerté les autorités publiques en France : de quoi s’agit-il ? Les réponses aux questions d'actualité.

Top