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Homologation : répondre à la demande sociétale sans créer d'impasses

Respectivement chef de culture en cave particulière et apporteur en coopérative, Didier Vazel et Denis Carretier craignent la disparition complète des solutions de protection phytosanitaire, imputable selon eux à des procédures d'homologation de plus en plus contraignantes.

Que savez-vous de l’homologation des produits phytosanitaires ?

  • Didier Vazel : En tant que président régional de Terra Vitis, et comme la charte impose de réviser chaque année notre cahier des charges, je suis d’assez près les différentes homologations de produits, ce qui entre et ce qui sort du catalogue. On se rend bien compte que ce sont des procédures sérieuses, longues, coûteuses.

  • Denis Carretier : L’homologation, je sais comment ça fonctionne. Le problème, c’est que la profession agricole n’influe en rien sur ces procédures. Les fabricants se plient aux demandes de l’Anses, qui relaie la pression sociétale, et nous n’avons pas voix au chapitre. Je le regrette, parce qu’on peut comprendre la volonté de retirer des matières actives considérées comme nocives, mais ce que l’on ne comprend pas, c’est trop souvent l’absence de produits de substitution, à un prix équivalent.

Savez-vous comment évoluent les critères d’homologation ?

  • Didier Vazel : Il y a aujourd’hui une pression sociétale à laquelle il faut répondre ; cela passe par un durcissement des critères. Ce qui ne nous met pas à l’abri de certains effets pervers. Par exemple, entre des produits arrivant en bout d’homologation et des nouveaux produits contenant la même substance active reformulée, et soumise à de nouvelles restrictions d’emploi : valeurs de ZNT (zones non traitées), doses maxi, DRE (délais de rentrée), etc. D’autre part, un nombre croissant de produits - je pense aux engrais foliaires - comportent des actions dites « secondaires » du point de vue de la phytoprotection, à l’efficacité parfois douteuse. Effectivement, à force de complexification la viticulture française risque de se retrouver demain sans solutions ou avec des impasses techniques.

  • Denis Carretier : De fait, la liste de produits homologués change tous les ans. Et là on peut faire le lien avec un autre problème : le défaut d’harmonisation au niveau européen, entre les produits interdits en France et ceux qui restent autorisés chez nos voisins. Aujourd’hui encore, certains agriculteurs frontaliers se fournissent en Espagne ou en Italie, sans parler des achats de phyto de contrefaçon sur Internet, en provenance du monde entier... C’est un peu comme si on importait l’agriculture qu’on ne veut plus chez nous.

Quelle(s) différence(s) majeure(s) voyez-vous entre les produits d’il y a dix ans et les produits actuels, en termes d’efficacité, de profil sanitaire, d’impact environnemental ?

  • Didier Vazel : Selon moi, l’évolution la plus notable concerne la généralisation des ZNT. Notamment, dans les spécialités à base de cuivre ou de soufre. Au delà, les matières actives d’aujourd’hui sont, il me semble, mieux contrôlées par les fabricants. Autrefois, avec la nouvelle formulation d’une molécule fongicide, on incitait les vignerons à l’appliquer trois fois d’affilée. Résultat, l’année n+1 ou n+2 on se retrouvait avec des échecs de protection, parce qu’on avait abouti à la sélection d’une souche de mildiou résistante.

  • Denis Carretier : Les nouveaux mélanges sont quand même plus neutres vis-à-vis de l’environnement et de la santé humaine. Avec des exceptions : le produit homologué en bio contre la flavescence dorée, que les adhérents de la coopérative utilisent, puisque nous sommes dans une zone à trois traitements obligatoires, est plus toxique que n’importe quel autre produit agréé en conventionnel.

Ces différences vous ont-elles amené à modifier vos pratiques ?

  • Didier Vazel : Cela a impacté l’organisation du travail sur l’exploitation. Depuis qu’on utilise des nouvelles molécules, je communique plus auprès de mon équipe sur le timing et la méthode d’intervention. Par exemple, si on est passé le jeudi avec un produit au DRE de 48 h, je peux dire qu’on ne retournera pas dans la parcelle avant le jeudi suivant, parce que je sais que les salariés sont plus sensibles. Ce n’est pas grave, on trouvera autre chose à faire en attendant.

  • Denis Carretier : On est en HVE, donc on privilégie au maximum les produits de contact. Mais pour arriver au même niveau de protection avec ces produits, on intervient plus souvent dans la vigne. Et comme on a toujours les mêmes DRE, voire des DRE plus longs, on se retrouve avec moins de temps disponible pour l’ébourgeonnage, le palissage... C’est plus contraignant.

Cette évolution des produits phytosanitaires vous aide-t-elle à améliorer votre image auprès du consommateur ?

  • Didier Vazel : Non, pas directement. Le discours scientifique n’est plus audible ; je veux dire celui qui consiste à apporter des preuves tangibles, à discuter sans a priori positif ou négatif. Mais cela ne nous empêche pas de continuer à parler de nos pratiques avec nos clients : ils sont intéressés par la dimension Terra Vitis, parce que nous y sommes engagés depuis longtemps, parce qu’on était déjà dans une démarche de réduction des IFT, etc.

  • Denis Carretier : Pas encore... Mais le consommateur qui nous stigmatise sous couvert de défendre l’environnement, on le voit parfois se promener dans nos parcelles sans nous avoir demandé l’autorisation, et là il n’est plus question de respect de DRE ou quoi que ce soit. Quelle sera la responsabilité de l’applicateur de phyto en cas de problème ? On a l’impression que la vigne, lorsqu’elle n’est pas clôturée, appartient à tout le monde. Ces personnes, si elles venaient nous voir, nous leur expliquerions pourquoi nous traitons, et que ce n’est en aucun cas incompatible avec la préservation de la faune et de la flore.

Et quel est l’impact des nouveaux produits sur la trésorerie de l’exploitation ?

  • Didier Vazel : Même si souvent, les nouvelles matières actives systémiques que je choisis sont plus chères car plus performantes, ce surcoût est compensé par un mode d’application plus ciblé et une efficacité optimisée. On est plutôt en constante diminution sur le poste « phytosanitaires », ce qui permet de financer une partie du matériel de travail du sol.

  • Denis Carretier : Chez nous, cela se traduit par des dépenses en hausse de 20 à 25 %, parce qu’on est obligé de passer plusieurs fois pour obtenir la même efficacité. Sans parler du surcoût en carburant.

Êtes-vous rassurés, en tant qu’utilisateur, par des critères d’homologation plus stricts ?

  • Didier Vazel : Depuis que les dossiers d’homologation sont plus exigeants, effectivement, je pense que les fabricants ont moins de litiges à régler. J’ai déjà perdu du raisin à cause d’un mauvais emploi de produit, donc je sais de quoi je parle. Par ailleurs, il y a très peu d’habitations dans le voisinage immédiat de nos vignes, donc nous n’avons pas trop de souci de ce côté.

  • Denis Carretier : Rassurant de savoir que les dossiers sont plus pointus, sans doute. À condition que les hausses de frais pour les fabricants n’impactent pas démesurément le prix de vente des produits.

Comment vous êtes-vous adapté aux évolutions de la réglementation, notamment en ce qui concerne le local phyto, les zones non traitées, les équipements de protection ?

  • Didier Vazel : La charte Terra Vitis nous imposait déjà des conditions de stockage et d’élimination des déchets phytosanitaires, donc on avait en quelque sorte devancé la réglementation. On a un état des stocks en temps réel, un classement par type d’utilisation et par phrases de risques. Sur les EPI, on n’est pas nombreux à avoir le Certiphyto applicateur au domaine, mais ça fait partie des choses sur lesquelles je ne transige pas : on doit les porter, point barre.

  • Denis Carretier : D’ici à 2025, pour pouvoir déclarer des productions en AOP ou IGP, les adhérents de coopératives devront être labellisés Terra Vitis ou HVE. Et puis de toute façon, dès qu’on monte un dossier Pac, on se doit de posséder un local phytos, d’étalonner les pulvés tous les trois ou quatre ans, etc. Concernant les ZNT riverains, nous n’avons jamais demandé aux citadins de venir s’installer toujours plus près des vignes, au contraire.

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