« Je trouve que, face à la septoriose, l’efficacité de mes produits fongicides diminue. Comment y remédier ? »
La réponse de Stéphane Gontier, Responsable Marketing pôle céréales BASF. « La baisse de sensibilité de certaines souches de septoriose à certains fongicides est un phénomène préoccupant qui nous mobilise depuis plusieurs années. Pour trouver des parades, nous testons des programmes qui associent et alternent les modes d’action disponibles. Et nous mettons les bouchées doubles pour mettre au point de nouvelles molécules. »

Résistance : un phénomène naturel…
Toute espèce est constituée d’individus présentant une grande diversité génétique. Celle-ci se traduit par une variabilité des caractères de l’espèce. Certains de ces caractères confèrent aux individus qui les possèdent (on parle aussi de phénotypes) un avantage compétitif sur leurs semblables.
C’est le cas pour les champignons responsables de la septoriose . Certains phénotypes sont devenus moins sensibles voire résistants aux produits fongicides. Une utilisation non raisonnée de ces produits (e.g. des applications répétées d’une même matière active ou d’un même mode d’action) accentue la pression de sélection : ces phénotypes moins sensibles deviennent peu à peu majoritaires au sein de la population.
C’est ce phénomène qui explique la baisse d’efficacité de certains produits fongicides face à la septoriose. Il a pu conduire certains agriculteurs à renforcer les doses mises en œuvre, à multiplier les applications ou à recourir à des mélanges de plus en plus complexes.

...devenu préoccupant pour la septoriose blé
La résistance aux fongicides de la septoriose, maladie numéro 1 du blé, est devenu un sujet de préoccupation majeur, car elle a fortement progressé ces dernières années, comme l’a souligné north_east une récente note rédigée conjointement par l’Inra, l’Anses et Arvalis-Institut du végétal . Plus d’une souche de septoriose sur deux est désormais résistante à un ou plusieurs fongicides de la famille des inhibiteurs de la déméthylation (IDM), à laquelle appartiennent les triazoles. Or les triazoles entrent de manière systématique dans la composition des spécialités fongicides utilisées en T2 pour la protection du blé au stade dernière feuille étalée (lire ci-contre).
On observe également une progression de souches résistantes à plusieurs modes d’action (encore appelées MDR, pour multi drug resistance), qui représentent 14% de la population totale.
Quelles solutions pour protéger ses blés ?
La 1ère des actions consiste à réduire le risque de développement du champignon en mettant en œuvre des pratiques agronomiques adaptées, notamment l’utilisation des variétés moins sensibles. Concernant la lutte chimique, à ce jour, il n’existe pas de réponse simple. En effet, l’hétérogénéité spatiale et la diversité biologique des souches de septoriose entrainent notamment des baisses d’efficacité variables au sein d’une même région. Autre difficulté, la septoriose est une maladie dite asynchrone, c’est-à-dire qu’elle peut être présente à différents stades de développement dans une même parcelle. Cela oblige les agriculteurs à utiliser des produits possédant à la fois un effet préventif et curatif.
Face à l’évolution des souches de septoriose, les instituts précités recommandent d’associer les triazoles à un fongicide multisite et/ou à un SDHI. Toutefois, pour préserver l’efficacité à long terme des SDHI, ils préconisent de limiter leur utilisation à une application par an. Plus que jamais, la gestion raisonnée des modes d’action s’impose.
Quelles solutions pour demain ?
Alors que le nombre de triazoles disponibles ne cesse de se réduire et que leur efficacité s’érode lentement, la priorité est au développement de nouvelles molécules appartenant à cette famille. L’objectif est de parvenir à contrôler toutes les souches de septorioses, y compris celles résistantes aux triazoles classiques, tout en respectant le cahier des charges de l’agroécologie.
C’est ce à quoi travaillent les ingénieurs de recherche de BASF. Après plusieurs années de développement, ils ont mis au point une spécialité à base d’isopropanol-azole, qui vient de recevoir son homologation au niveau européen.
Les triazoles, piliers de la protection fongicide des céréales
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Le nombre d’hectares protégés par des triazoles a plus que doublé en 29 ans
Malgré la dérive d’efficacité qui les affecte, les triazoles classiques restent au cœur des programmes fongicides céréales. L’utilisation de triazoles est ainsi passé de 9 millions d’équivalents hectares à 15,2 en 29 ans.

Nombre d’anciens triazoles sont toujours utilisées
Hormis le prothioconazole, mis sur le marché en 2006, la plupart des triazoles utilisées dans les programmes fongicides jusqu’à aujourd’hui ont plus de 25 ans. Pour prolonger l’efficacité de ces molécules qui ont fait leurs preuves, il est important de les alterner et/ou les associer à d’autres modes d’action.

Le nombre de triazoles disponibles se réduit dangereusement
Sous l’effet de normes réglementaires toujours plus strictes, de nombreuses triazoles n’ont pas obtenu le renouvellement de leur homologation et ont été retirées du marché au cours des 25 dernières années. On est ainsi passé de 15 triazoles disponibles en 1994 à 9 en 2019, avec ces derniers mois le retrait du propiconazole et de l’époxiconazole. Résultat : une réduction du choix de solutions face à l’évolution des souches de septoriose, d’où l’importance de mettre rapidement de nouvelles molécules sur le marché.